- La première évacuation
- La vie de réfugiés
- Juin 1940 : Attaque de la ligne Maginot puis le retour des évacués
- L’occupation et l’enrôlement de force
- L’arrivée des Alliés et les bombardements sur les villageois
- La seconde évacuation et la libération
- Le saviez-vous ? Notre histoire dans les séries Américaines
Le début de la guerre et l’évacuation
Le 1er septembre 1939 à 11h, la France déclare la guerre à l’Allemagne suite à l’invasion de la Pologne par ces derniers. A Oberroedern, la ligne Maginot allait devoir remplir son rôle de protection contre l’envahisseur. L’ordre d’évacuer le village tombe le même jour, en début d’après-midi. La population doit quitter les lieux dans les 2h. Elle ne peut emporter que 30kg de bagages par personne et de la nourriture pour quelques jours.
Face à un gros embouteillage sur la route à l’entrée de Hatten, les villageois passent la nuit chez eux. Ceci leur permet de mieux préparer leur départ, finalement prévu entre 4h et 5h le lendemain matin. Le village est complètement vidé de ses habitants le 2 septembre, les animaux restants sont nourris par les militaires en garnison.
Anecdote : Un célibataire de la rue de l’Herbe demeura « planqué » jusqu’en mai 1940 où les militaires l’entraînèrent de force derrière la zone des hostilités. Mais jusqu’à cette date cet homme fit tourner l’alambic à plein régime jusqu’à obtenir un stock de centaines de litres de Schnapps. Les militaires qui convoitaient ce « trésor » ont appelé l’homme à se confesser à un faux aumônier et en ont profité pour mettre la main sur le butin.
C’est ainsi que le convoi d’Oberroedern, composé d’une soixantaine d’attelages à vaches ou à chevaux, atteint Surbourg dans l’après-midi. Puis Schweighouse le lendemain où il demeure durant une semaine avant de rejoindre Minversheim. Ils y resteront trois semaines. L’accueil des habitants y est chaleureux, ils apprécient l’aide des réfugiés dans les exploitations. Des amitiés se nouent et une ambiance fraternelle atténue la douleur de l’exode. L’accueil à Furchhausen est tout autre, des portes se ferment et les soldats sont obligés de menacer les habitants qui refusent d’héberger les réfugiés. Ils resteront là-bas deux jours avant de rejoindre Marmoutier où ils prendront le train vers l’Indre.
Le voyage va durer deux ou trois jours. Les Oberroedernois étant parmi les derniers à quitter l’Alsace, ils ont eu la chance de voyager en compartiment voyageur (en 3ème classe sur des banquettes en bois). Ce n’était pas le cas d’une dizaine d’attelages à chevaux, partis d’Oberroedern aussi, mais plus rapides et qui avaient déjà rejoint Marmoutier quelques semaines plus tôt. Ceux-ci ont dû voyager dans les wagons à bestiaux, les trains voyageurs étant réservés aux militaires qui rejoignaient la frontière.
La vie de réfugiés
Une fois sur place, le dépaysement est total ! En plus de la difficulté de la langue (les plus de 35 ans n’avaient fréquenté que l’école allemande) les alsaciens ont l’impression d’avoir remonté le temps. Leurs cuisinières sont remplacées par des cheminées et marmites sur crémaillères. Leurs carrelages ou planchers cirés deviennent des sols en terre battue. Dans les champs les attelages à chevaux sont remplacés par des bœufs sous un unique joug.
Malgré tout ils finissent par s’habituer à leur nouvelle situation. Le dimanche, ils se rendent à l’église. Celles-ci sont habituellement peu fréquentées par la population locale où la tendance est plutôt à la laïcité. Les enfants vont à l’école où ils s’exposent parfois à des moqueries. Certains les traitent de « boches », mais les populations et les autorités locales s’emploient à réserver un accueil amical aux alsaciens. Ils font preuve de compréhension et de solidarité. Les enfants qui progressent en français, Marie Erhold notamment, finissent par jouer les traducteurs pour leurs proches qui ne comprennent pas la langue de Molière.
Bien que dispersés dans différentes localités voisines, les Oberroedernois se voient et se rendent visite fréquemment. Certains travaillent, souvent dans la réfection des routes et parfois chez un artisan ou un fermier, les autres vivent grâce aux allocations journalières.
Début novembre, alors que les Oberroedernois commencent à avoir « Heimweh » (nostalgie du pays), certains ont la possibilité de rentrer 24h en Alsace pour récupérer quelques affaires, comme des vêtements chauds par exemple.
L’attaque de juin 1940
Durant les 8 mois suivants la déclaration de guerre peu de choses se passent. On appelle cette période la « drôle de guerre ». Certains se demandent pourquoi on les a fait partir si loin de leur terre natale en catastrophe. Mais le 18 juin 1940, le jour même de l’appel du général de Gaulle, l’ordre est donné pour percer le front au niveau des casemates d’Oberroedern. Quelques jours avant les allemands avaient franchi le Rhin entre Marckolsheim et Neuf-Brisach.
Oberroedern est attaquée du 19 au 23 juin 1940 par la 246è division d’infanterie. Les héroïques soldats ont réussi à défendre leur ligne et à repousser les allemands à l’aide de l’ouvrage de Schoenenbourg (ne sachant alors pas encore que la guerre était terminée). Le détail du combat est décrit p120 à 133 dans le livre Oberroedern Stundwiller – Deux villages, une paroisse. Malheureusement, après l’armistice signé par le maréchal Pétain le 22 juin 1940, les casematiers d’Oberroedern ont dû déposer les armes et rendre les ouvrages aux allemands sur ordre du gouvernement.
L’armistice annonce également le retour à la maison des réfugiés. En août 1940, une fois les voies ferrées réparées, tous les oberroedernois sont rapatriés. Une famille choisira tout de même de rester jusqu’en 1945. Les autres sont parmi les derniers à pouvoir rentrer et font leurs adieux à la population d’accueil qui voit souvent partir ces « yaya » laborieux avec regret. Les réfugiés ont aussi été enrichis par cette expérience, la plupart quittaient leur sol natal pour la première fois. Ils ont ainsi découvert une autre culture, un autre mode de vie, une autre manière de cuisiner et ils ont amélioré leur usage de la langue française.
L’euphorie du retour est rapidement remplacée par la désolation. Déjà pendant le voyage en train, ils se rendent compte rapidement et le cœur serré que l’Alsace a été annexée par l’occupant allemand. Les noms des gares sont germanisés et les drapeaux rouges à croix gammée fleurissent dans les villes. Lorsqu’ils arrivent à Oberroedern, des maisons sont détruites ou sérieusement endommagées, les autres ont été pillées. Le bétail laissé sur place a disparu. Les cours et jardins sont envahis par les ronces et les arbres fruitiers sont atteints par des éclats d’obus.
La vie sous l’occupation
Pendant un an, les terres étaient remises en état puis cultivées par la population de retour pour régénérer rapidement l’économie locale. Les paysans propriétaires sont ainsi devenus des salariés de la collectivité. Les revenus des récoltes étaient globalisés et perçus par l’Etat allemand. Dès l’automne suivant, ils recouvrent le plein usage de leurs exploitations familiales. Les cheptels sont reconstitués progressivement par des dotations d’animaux que l’occupant prélevait au fur et à mesure de ses nouvelles conquêtes.
Sous l’occupation les habitants d’Oberroedern n’ont pas subi de déportation ou autres atrocités mais ils étaient placés sous étroites surveillances par des sbires nazis qui les considéraient comme peu fiables. Leur environnement a été modifié pour qu’ils se sentent totalement citoyens du Reich. Les noms et prénoms sont regermanisés, ainsi du jour au lendemain Charles devient Karl, Roger devient Rüdiger et René devient Renatus. Tout ce qui rappelle la France, comme le béret par exemple est banni. Les « salut », « bonjour » ou « au revoir » sont remplacés par le « Heil Hitler » bras tendu.
L’endoctrinement est organisé progressivement. D’abord avec la Hitlerjugend où les enfants se trouvent en uniforme pour la première fois et qui devient obligatoire en Alsace à partir du 2 janvier 1942. A l’âge de 17 ans le Reichsarbeitsdienst prend le relais, il oblige les filles et garçons à effectuer un service national de travail où la discipline de type militaire est accentuée. Les filles des classes 1923 et 1924 d’Oberroedern partent pendant une durée de 5 mois, de novembre 1942 à mars 1943 pour effectuer leur service dans diverses villes allemandes.
Pendant ce temps les garçons des classes 1920, 1921 et 1922 sont incorporés de force dans la Wehrmacht. Alors que 7 jeunes d’Oberroedern (Albert Dangler, Edmond Fechter, Joseph Fechter, Robert Fechter, Martin Fix, Charles Philipps et René Philipps) et 3 de Stundwiller refusent de signer le « Wehrpass » d’enrôlement, ils sont enfermés. D’abord à Wissembourg puis à Haguenau et finalement ils seront conduits au camp de rééducation de Schirmeck. Jusqu’ici ils n’ont fléchi devant aucun coup, ni aucune menace. Néanmoins, au dixième jour, le chef du camp menace d’expulser leur famille et de les mettre « à la corvée de chiottes » permanente (et elle se faisait à main nue). Ils acceptent finalement de signer les papiers.
La plupart rentrent chez eux avant d’être envoyés sur le front russe en juin 1944. Au début du mois d’octobre 1944, un grand nombre de prisonniers alsaciens sont transférés au camp de Tambow en Russie. Quelques oberroedernois s’y retrouveront : Albert Dangler, Robert Fechter, Martin Fix, Antoine Amann, Joseph Ball, Georges Beill, Charles Philipps, Joseph Strasser et Aloyse Eisenmann qui y laissera sa vie.
L’arrivée des Alliés
En parallèle, le 6 juin 1944 les Alliés débarquent sur les plages de Normandie, la terrible bataille de Normandie ne s’achèvera que fin juillet 1944 mais marque le début d’une série de défaites pour la Wehrmacht. Le 3 septembre Lyon est libérée, puis Mulhouse le 21 novembre, Strasbourg le 23 novembre et Haguenau le 11 décembre. Les troupes américaines arrivent à Hatten le 13 décembre et le 21 décembre ils s’installent « durablement » à Oberroedern.
La population locale sympathise avec eux, les enfants découvrent les chewing-gums, le chocolat et certains fument leurs premières cigarettes. Un canon de gros calibre est installé et régulièrement utilisé à Oberroedern jusqu’à la Saint-Sylvestre date à laquelle les Américains se replient pour éviter un encerclement suite à l’opération Nordwind. Les villageois sont découragés, ils craignent des représailles de la part des allemands.
Du 6 au 9 janvier Oberroedern est attaquée par le Nord mais les ennemis sont repoussés par les américains. Les allemands n’ont pas renoncés à la conquête du village, ils tentent donc d’attaquer par le sud-est. Cette fois-ci les obus pleuvent sur Oberroedern. Les villageois sont terrifiés, frigorifiés, ils vivent un véritable cauchemar. Ils se cachent pendant plusieurs jours dans les caves ou des abris creusés en prévision. Ces caves se révèlent souvent peu sûres et plusieurs familles se voient obligées de changer de caves ou de se réfugier dans des caves voisines après avoir été gravement menacés par des obus. Plusieurs personnes sont blessées et certaines perdent la vie lors de leurs escapades à l’extérieur pour chercher de quoi survivre. Les américains sont toujours là et font ce qu’ils peuvent pour aider les villageois.
La seconde évacuation, puis la libération !
Après plusieurs jours passés dans les caves, les familles sont évacuées en catastrophe, il fait froid, les routes sont impraticables, l’évacuation est complètement improvisée. Certaines familles se réfugient en Alsace et d’autres iront dans le Jura. Les troupes allemandes n’arriveront à occuper Oberroedern qu’après le repli des Américains dans la nuit du 20 au 21 janvier 1945.
Le 14 mars les troupes allemandes se replient et les Alliés entrent dans Oberroedern le 19 mars, c’est la libération ! Joie immense de toute la population présente, c’est la fin d’un terrible cauchemar. Sur leur passage les libérateurs font prisonnier un soldat allemand qui s’était caché dans une ferme au milieu du village. Comme après le premier exode, les villageois doivent attendre la remise en état des voies ferrées avant de retrouver leur village (pas avant mi-juillet). Cette fois-ci la situation est bien pire, toutes les maisons sont endommagées, les cultures détruites et les champs impraticables. Tout est à reconstruire.
Le saviez-vous ?
Les séries américaines aussi racontent notre Histoire :
Medal of honor disponible sur Netflix
– Saison 1 Episode 5 : Vito Bertoldo –> Héros américain de la bataille de Hatten
Band of brothers disponible sur OCS
– Saison 1 Episode 8 : The last patrol –> Libération de Haguenau par les Alliés
Partie 2/4 : « La préparation de la guerre avec la construction de la Ligne Maginot »